VIGILES

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VIGILES(Opus 116)
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Août 201811'Musique de chambre, Musique mixte

Notice

La nuit précédant une grande fête chrétienne, on chantait traditionnellement une liturgie de Vigiles, c’est-à-dire de veille. Aujourd’hui les gardiens de nuit portent aussi ce nom, mais on ne leur demande pas de chanter. Or il existe un oiseau-vigile aux talents un peu méconnus, qui rivalise avantageusement avec le rossignol, et comme lui chante surtout la nuit au printemps. C’est la rousserolle des buissons, qui habite l’Europe de l’Est. Les solistes de cette espèce que j’ai retenus ont tous deux chanté à minuit, en Lettonie et en Pologne. Je suis moi-même né à minuit, et je me suis plu à les associer à ma musique, en choisissant et en transcrivant minutieusement quelques-unes de leurs meilleures improvisations. Les instruments colorient librement les sonorités et les rythmes de leur comparse animal, et comme lui veillent à éclairer la nuit.

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Ce n’est pas la première fois que j’associe des enregistrements de sons naturels avec une partition écrite qui les métamorphose. Il y a en effet plus de cinquante ans que j’ai pris ce risque dans Rituel d’oubli (calao, lion, insectes, combats de rue) et surtout dans Korwar, qui combinait un clavecin avec les clics de la langue xhosa de Nelson Mandela, des grenouilles, un étourneau, un shama, un guanaco, des sangliers, des baleines et la pluie. Depuis lors j’ai essayé d’approfondir mes analyses en substituant souvent à la diversité du zoo sonore initial la richesse encore plus étonnante des inventions de certains solistes animaux.
Lorsque Thierry Pécou et son ensemble Variances m’ont proposé cette commande, j’ai saisi une telle occasion de bénéficier de leur exceptionnelle virtuosité. J’avais depuis plusieurs années découvert avec bonheur qu’ils avançaient sur une voie proche de la mienne, et que leur génération ne refusait plus de montrer à quel point la vie musicale du monde animal partage avec la nôtre quelques traits essentiels. Loin des emplois pittoresques ou humoristiques dans lesquels depuis des siècles les compositeurs confinaient toute allusion musicale aux sons de la nature, on est en train de reconnaître que la musique elle-même est issue d’un jeu naturel, et que l’art, éminente activité de l’espèce humaine, n’est pas son privilège absolu. En reconnaissant à quelques voix animales des valeurs partagées, on favorisera peut-être désormais pour l’humanité une plus juste appréciation de son statut, et une bénéfique reconnaissance des limites de son milieu naturel, et du gaspillage absurde qu’il en fait. L’extermination à laquelle nous voyons condamnées tant d’espèces animales donne malheureusement à la redécouverte de leurs voix un écho mélancolique. La mort des langues comme celle des insectes et des oiseaux sont des menaces que l’humanité peut en partie conjurer, en révisant certaines prétentions, en corrigeant certains abus, en sacrifiant beaucoup d’illusions, en restant vigilants.

Instrumentation

flûte, clarinette, guitare ou harpe, piano, échantillonneur et sons fixés ou 2 percussions (8 combinaisons)

Création

Caen, 27 janvier 2021 par l'ensemble Variances

Éditeur

Commanditaire

Ensemble Variances

Dédicataire

à Thierry Pécou et l'ensemble Variances

Disques

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Humain non humain

Textes

Article, Critique

Critiques – Vigiles

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