VOLUMES

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VOLUMES(Opus 6)
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mai 196012'40"Musique mixte

Notice

Notice d’origine

Volumes est une œuvre mixte en trois mouvements : 1) Horizons 2) Impacts, Camaïeu 3) Sphères. La partie électroacoustique comprend dans la version originale, jamais diffusée faute de moyens techniques adéquats, 12 pistes synchrones distribuées sur 12 ensembles de haut-parleurs garnissant une sphère dont le public occupe le centre.

L’idée de départ de l’œuvre était que la musique électroacoustique devrait prolonger mais non remplacer la musique instrumentale, contrairement à certaines utopies alors en vogue à Cologne ou à Paris. La partie électroacoustique est elle-même pour une grande part d’origine instrumentale, et son rôle est d’amplifier l’orchestre, hors de tout esprit concertant.

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Réciproquement, la partition instrumentale est sans doute le premier exemple d’écriture systématiquement adaptée des notions et des sonorités familières à la « musique concrète », à tel point que les mêmes symboles ont pu servir à noter celle-ci et celle-là. La bande magnétique étant d’un maniement bien moins souple que l’écriture sur des portées, l’auteur a essayé d’utiliser cette contingence pratique comme un tremplin pour l’imagination de formes nouvelles massives, parfois proches des conceptions (mais non des sonorités) de Varèse, et à l’opposé du pointillisme post-webernien qui triomphait à cette époque. C’est ainsi que l’idée d’objet sonore a été expérimentée dans les deux techniques simultanément.

L’œuvre illustre d’autre part ce que A.Moles a appelé « le pouvoir créateur de la complexité », car 583 plages de sons ont constitué les matériaux de base de Volumes, et certaines de ces plages représentaient déjà le mixage de plusieurs dizaines de sons ; outre les « bruits », la partie électroacoustique utilise ainsi un orchestre imaginaire où 38 bassons, 10 clavecins etc. fondent leurs jeux de volumes sonores avec ceux de l’orchestre en direct.

Concernant cette notion de volume, familière depuis longtemps aux orchestrateurs, mais toujours obscure, l’auteur est parti de l’hypothèse selon laquelle elle est une des qualités principales du son, théorie qualitative excluant toute quantification, donc tout « paramètre » ; et cette qualité se manifeste sur deux plans : comme attribut intrinsèque d’un son donné, quelle que soit sa situation dans l’espace réel (et l’on peut alors parler d’un volume virtuel, qui fait par exemple que le saxophone est diffus tandis que le basson est dense) ; et comme espace réel, en relation avec un ou plusieurs groupes de haut-parleurs, et avec la situation des instrumentistes.

Les variations de ces volumes se traduisent ainsi pour l’auditeur par des contractions ou des dilatations de l’espace sonore réel, et selon les jeux des matières sonores, par des concentrations ou des dilutions des espaces virtuels.

Commentaire

Le exemples de musique mixte antérieurs étaient très peu nombreux : Musica su due dimensioni de Maderna en 1952, Déserts de Varèse en 1954, Poésie pour pouvoir de Boulez en 1958 étaient à peu près les seuls connus, et encore Déserts alternait-il les deux composantes sans les combiner, tandis que l’œuvre de Boulez était rejetée par son auteur. Schaeffer n’avait pas tout à fait tort de m’accuser d’imprudence parce que j’employais prématurément des moyens tels que la tôle à corde sans les avoir fait officiellement tester. Mais l’œuvre était fondamentalement marquée par l’esprit de l’utopie, et ses douze pistes sur une sphère anticipaient une technologie qui n’a été disponible qu’une dizaine d’années plus tard, pour Stockhausen à Osaka. La spatialisation avait toutefois été testée en vraie dimension dans quelques réalisations exceptionnelles, comme le pavillon Philips de Xenakis à Bruxelles en 1958. Sept trombones posaient d’ailleurs également un problème d’intendance, surtout si on voulait reconstituer la famille allant du trombone soprano au trombone contrebasse. La frustration ressentie à voir l’œuvre éditée dans un disque mono (il n’y avait pas encore la stéréo) a été finalement salutaire. Elle m’a appris à relativiser l’importance des outils réclamés : autant les timbres sont devenus désormais consubstantiels à la musique, autant l’espace, malgré ses prétentions à accéder au rang de « paramètre » constitutif, n’est souvent, même pour les musiques électroacoustiques, qu’une dimension de confort ou, parfois, un maniérisme distrayant. Mais le foisonnement des couches sonores dans Volumes est beaucoup plus lisible, et prend beaucoup plus de relief, avec la stéréo, qu’aplati sur un ou deux haut-parleurs.

L’origine et les modes de jeu instrumentaux des sons enregistrés étaient destinés à faciliter leur fusion avec les instruments acoustiques, et réciproquement l’instrumentarium insolite ou innovant tendait à souligner la pertinence d’une approche commune. Non seulement il n’y avait pas de différence de nature légitime entre les deux domaines, mais même leur écriture pouvait ressortir à une même démarche. C’est peut-être pourquoi l’œuvre est, assez classiquement, en trois mouvements, avec toutefois un mouvement central double ; et pourquoi aussi certains sons créés en direct paraissent des objets de « musique concrète ». Avec le recul, je juge cette partie instrumentale un peu insuffisante. Il aurait sans doute fallu disposer de plus d’instruments, et leur donner un rôle plus actif.

Instrumentation

7 trb. (ou 4 cors & 3 trp.), 2 perc., 2 pianos, 12 pistes magnétiques (ou 4 ou 2)

Création

30/06/60
Paris, Salle Gaveau (dir. André Girard)

Éditeur

Durand

Commanditaire

Commande G.R.M. Radio-France

Dédicataire

Dédié à L.N.S.

Disques

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BAM-AZ (30) LD 071 Groupe De Recherches Musicales De La R.T.F. – Musique Expérimentale

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