Notice
Le titre peut se lire comme l’anagramme de guitar. C’est aussi, toujours en orthographe anglaise, le nom de la cité de Phénicie (aujourd’hui sur la côte syrienne) où a été découvert le plus ancien alphabet connu.
L’œuvre elle-même intègre diverses écritures : au flamenco est emprunté l’emploi de divers rasgueados ; au cuatro vénézuélien (petite guitare à 4 cordes), certaines sonorités, tandis que la syntaxe est redevable à divers modèles de chants d’oiseaux. De façon très caractéristique, ils enchaînent des séries d’objets où changent simultanément le stock d’objets sonores et le tempo de leur répétition. Tous ces moyens réclament de l’exécutant une haute virtuosité.
Le titre de l’œuvre correspond à une ville de la côte syrienne dont j’avais visité les ruines le 30 décembre 1998, et où a été découverte la plus ancienne écriture alphabétique connue. Mais l’inspiration « archéologique » de la pièce se limite à l’anagramme du titre. L’idée de l’œuvre elle-même m’est venue à l’écoute d’une pièce traditionnelle du Venezuela, Registro del pajarillo, interprétée au cuatro par Cheo Hurtado. Ce qui m’a fasciné dans cette pièce de haute virtuosité, c’est la synthèse extraordinairement réussie entre des clichés traditionnels du jeu de guitare et le modèle d’oiseau explicitement évoqué par le titre. En Europe, c’est peut-être le rossignol progné qui représente le mieux les traits rythmiques présents dans cette pièce : répétitions serrées des sons (rendus par des rasgueados), lien fixe entre un tempo et un timbre, avec brusque passage imprévisible d’une série à une autre, diversité des timbres dont certains évoquent des percussions.
J’ai voulu reprendre ces traits sans utiliser pour autant les clichés tonaux. Cela m’a contraint à chercher d’abord moi-même sur une guitare les doigtés permettant des agrégats non répertoriés, employés comme timbres complexes. Mais, n’étant pas moi-même guitariste, j’ai eu la chance de trouver en Thierry Mercier un virtuose qui non seulement s’est révélé capable d’enchaîner des doigtés très complexes, mais encore m’a suggéré certaines possibilités complétant les effets recherchés. Je me souvenais de ce que me disait Ohana , sur la difficulté particulière que présentait la technique de la guitare dès qu’on s’écartait des routines. Six ans après cette révélation d’un enregistrement, j’ai pu, invité à trois reprises au Vénézuela , où Gustavo Dudamel dirigeait La peau du silence, vérifier dans ce pays l’exceptionnelle vitalité de la musique, qu’elle soit savante ou populaire.
L’évolution d’Ugarit est à rebours de celle de la plupart des pièces solistes : au lieu de céder à une animation rythmique croissante, elle est peu à peu envahie de silences, comme autant d’hésitations ou de doutes.
Instrumentation
guitare soloCréation
9.4.99 Radio-France, Thierry Mercier
Éditeur
DurandCommanditaire
Dédicataire
Thierry MercierDisques
Textes
Critiques – Ugarit