LES ARCADIENNES

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Notice

Après une longue période d’aversion affirmée pour toute démarche classicisante, dont mon esthétique « naturaliste » représentait l’opposé, j’ai commencé il y a quatre ou cinq ans à m’intéresser plus activement à certains compositeurs du passé. Ma propre démarche d’exploration des archétypes universels ne pouvait ignorer l’illustration qu’en avaient donnée en leur temps de grands explorateurs comme Monteverdi. Mes réflexions m’ont parfois amené naturellement à observer les équilibres que certains prédécesseurs avaient trouvés entre la soumission aux grands lieux communs de la musique et les indispensables innovations à laquelle leur emploi les avait conduits. Lorsque Musique en liberté m’a proposé de m’associer au projet qu’Alexandre Tharaud avait formé sur un choix de pièces de Couperin , j’ai aussitôt accepté ce défi stimulant. L’exceptionnel talent avec lequel le pianiste avait revisité les pièces de Rameau contribuait à me donner envie de lui confier et de lui dédier celle que j’allais composer.

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J’ai choisi la grande Passacaille du 8ème Ordre non seulement parce que c’est un véritable chef d’œuvre, mais parce que son organisation présentait trois traits que j’avais envie d’approfondir : la forme couplet-refrain (déjà explorée en 1984 avec Muwatalli), l’ornementation, et certaines stylisations de modèles naturels.
J’ai donc utilisé, alternant avec autant de couplets, sept refrains. Mais contrairement à Couperin, je ne les ai jamais ni doublés ni repris tels quels et ils subissent d’importantes variations. J’ai écrit à mon tour des ornements complexes ; j’ai adopté le caractère ascendant qu’il a donné aux refrains par opposition aux couplets, peut-être pour évoquer les allées et venues d’un promeneur dans la rue, (si telle est bien l’étymologie de la Passacaille) ; j’ai introduit dans les couplets une diversité d’humeurs comparable à celle du modèle. Couperin avait évoqué des chants d’oiseaux stylisés dans le 4ème couplet de sa Passacaille. Dans mon premier couplet, j’ai traité en canon par diminution un chant d’oiseau africain, le cossyphe à ailes bleues. J’ai traduit un autre oiseau, le corbeau-flûteur-pie, (venu, lui, d’Australie) pour le deuxième couplet.
Enfin, comme les Calotines, les Tricoteuses, et autres titres masqués de Couperin, le titre des Arcadiennes lance un coup d’œil vers une Régence transhistorique plutôt qu’imaginaire, à l’image de celle que Verlaine avait si bien recréée. La pièce s’achève en effet, contrairement au très vif couplet final du modèle, comme si Couperin était commenté par le narrateur du Colloque sentimental, mais qui s’exprimerait en musique, et dans une langue héritée du seul XXème siècle.

Commentaire
Comment l’Arcadie, la région la plus sauvage de Grèce où dans l’Antiquité les sacrifices humains se sont prolongés plus longtemps qu’ailleurs, est-elle devenue à la Renaissance l’aimable patrie de bergers plus soucieux de leurs amours que de leurs moutons ? Je ne retracerai pas le cheminement de cette singulière métamorphose. L’Arcadie de Virgile, de Sannazar ou de Poussin était un idéal de convention, et c’est avec un clin d’œil supplémentaire à cette convention que j’ai imaginé ces mythiques Arcadiennes, pour mieux me débarrasser de leurs défroques historiques.

Instrumentation

piano solo

Création

24.5.08, Théâtre de la Ville de Paris, Alexandre Tharaud

Éditeur

Commanditaire

Musique Nouvelle en liberté

Dédicataire

à Alexandre Tharaud

Disques

Imagerie

Vidéos