Notice
Cette œuvre pour orchestre (21 instruments) et 5 pistes magnétiques est issue du « Concert collectif » du Groupe de Recherches Musicales qui fut créé à la salle des Conservatoires le 15 mars 1963 sous la direction de Charles Brück. Il s’agissait d’une expérience de mise en commun de propositions musicales (en notation ou sur bande) pour aboutir à un concert entier de neuf œuvres signées. Environ un tiers de l’œuvre fait ainsi référence à des propositions de quelques autres compositeurs comme Ferrari, Malec et Philippot, qui ont été réécrites ou soumises à des manipulations électroacoustiques.
Chronique d’une expérience
L’hystérie, l’improvisation, l’enthousiasme peuvent être ou non collectifs, mais appliquer cette épithète à un concert paraît à première vue un pléonasme. Il n’y a guère de musique dont la réalisation ne soit un travail d’équipe, et les compositeurs les plus jaloux de leur solitude ne répugnent pas à en livrer le fruit aux quatre-vingts musiciens d’un orchestre symphonique. Mais il ne s’agit pas de cela. La collectivité dont il est question et la nouveauté de l’entreprise sont ailleurs.
Le groupe des Six (qui n’étaient alors que cinq) avait déjà en 1920 réuni ses talents pour une œuvre commune, le ballet Les mariés de la Tour Eiffel, dont Auric, Poulenc, Germaine Tailleferre , Milhaud et Honegger avaient écrit chacun une entrée. Il y avait déjà eu des «Tombeaux», des suites, où plusieurs compositeurs unissaient leurs tendances ou leurs hommages. En un sens, le Requiem de Mozart ou la Khovantchina de Moussorgsky sont aussi des œuvres collectives. Mais en réalité, il n’y a jamais eu à notre connaissance entre des compositeurs les échanges de substance qui viennent d’avoir lieu pendant un an entre les neuf participants de cette expérience. On mettait en commun tout au plus des goûts, des partis pris, quelques trouvailles, mais jamais les partitions elles-mêmes. Or, c’est ce que nous venons de faire, sans vouloir douter de rien, sinon des idées préconçues.
Bien sûr, l’entreprise paraît folle : dans ce festin barbare, nous étions à la fois les aliments et les convives. Plus d’un a connu parfois certains haut-le-cœur, et pourtant tous ont fini par y prendre goût. Constamment nous avions des réunions de travail ou des échanges d’idées fortuits, des discussions ou des disputes pour animer notre recherche dans un grand mouvement dont Pierre Schaeffer veillait à ce qu’il ne se ralentît pas. Logiquement, avec un tel travail, nous aurions dû mettre au jour un monstre ou un chef-d’œuvre. Si le Concert Collectif n’est finalement ni l’un ni l’autre, c’est qu’il n’est pas réellement une œuvre ni même une collection d’œuvres, mais une expérience : l’activité productive importait plus que le produit.
Nous avions voulu cela dès le début : en mettant en commun nos fragments musicaux, nous n’espérions pas tellement qu’ils en fussent améliorés, et qu’une somme de talents dût nécessairement être supérieure au meilleur des composants ; en revanche, nous soupçonnions que nous n’aurions pas affaire à une sommation, mais à une multiplication de nos facultés d’invention, et cet espoir fut beaucoup moins déçu que le premier.
Les compositeurs, traditionnellement peut-être les moins ouverts des créateurs, ont dû s’attabler devant des séquences faites par d’autres selon des principes différents des leurs. Ils ont accepté comme règle du jeu de transformer ces produits étrangers en leur œuvre propre, et cette assimilation difficile n’a pu se faire sans une libération et un élargissement de la pensée musicale. C’est cette discipline intellectuelle qui constitue l’aspect le plus original et le résultat le plus positif de l’expérience.
(programme du Concert collectif 18.3.1963)
Instrumentation
2 fl, 1 hb, 1 cl, 1 cl-b, 1 bsn, 1 c-bsn, 2 cors, 2 trp, 1 trb, 2 perc, 1 hp, 1v1, 1v2, 1a, 2vc, 1cb, sons fixés 5 pistes (ou 2)Création
18/03/63 Paris, Salle des Conservatoires ( dir. Ch. Brück)
Éditeur
DurandCommanditaire
GRM Radio-FranceDédicataire
Pierre SchaefferTextes
Critiques – Synergies