AQUA MATER

Le chemin est étroit entre deux impératifs : servir les émotions des spectateurs sans les transformer en auditeurs, et en même temps organiser les sons pour que leur enchaînement paraisse naturel et en harmonie avec les fortes images du photographe. De plus les visiteurs circulent à leur rythme sans nécessairement tout écouter, mais tout en acceptant ce qu’ils entendent comme une expression possible de ce qu’ils regardent. J’ai essayé de remplir cette tâche en organisant ce que depuis 1960 j’ai baptisé phonographies, et après en avoir pratiqué à plusieurs reprises. Ni musiques ni documentaires, ces analogues sonores de la photographie peuvent chercher comme elle à transcender la simple identification d’un sujet pour révéler des au-delà symboliques et poétiques, et pour servir de support à la méditation. C’est une longue épopée aquatique que j’ai organisée avec ces « phonographies ». Dans un vaste espace désert les vents amènent peu à peu des nuages d’orage, chargés de pluies. C’est à peine si on devine une présence humaine inquiète. L’écoulement des eaux les mène en ruisseaux et en fleuves jusqu’à la mer. Près des rivages, l’eau qui reflue articule dans des grottes de mystérieuses percussions. Un autre orage et d’autres pluies font danser des gouttes et des bulles, puis toute cette animation s’assèche pour recréer un espace que révèle là haut le passage d’un avion.